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LE DON (exposé d’Esther Lechevallier -Ts1)

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Introduction:

Le don est considéré comme un acte gratuit, on donne et on reçoit gratuitement. Mais on constate que la gratuité, presque toujours, est accompagnée de la réciprocité. En effet, si l’on offre des cadeaux à nos proches à Noël ou pour des anniversaire par exemple, on sait que l’on va en recevoir de leur part aussi. On constate donc que le don peut s’apparenter à l’échange, il est d’ailleurs son ancêtre, la racine du commerce. Le plus souvent, l’échange n’est pas égale. On voit donc un profit, un intérêt personnel à cet échange. Cet intérêt se retrouve dans le don où le donneur trouve un intérêt à donner, est généreux par intérêt. On peut donc se demander si l’Homme est capable d’une générosité pure. Si il peut donner avec le désintéressement le plus total ou si , même s’il n’y pense pas forcément, il cherche toujours à satisfaire son intérêt personnel? Nous étudierons donc le rapport des hommes au don, au travers de trois axes: tout d’abords, nous étudierons la conception du don dans les sociétés archaïques, puis la conception moderne du don et enfin la générosité dans le cadre de l’Amour.

  1. La conception du don dans les sociétés archaïques.

  1. Donner, recevoir, rendre

Nous allons commencer pas étudier l’oeuvre de Marcel Mauss, l’Essai sur le don, paru en 1924, où il décrit le système du don dans les sociétés archaïques. Il étudie des sociétés anciennes comme les sociétés des îles du Pacifique. Il observe dans ces sociétés que tout don est suivi d’un contre-dn, c’est à dire d’un don en retour. Il montre alors le système d’obligations et de contreparties que constitue le don. Ceci peut être considéré comme une forme archaïque de l’échange , var chaque don est « remboursé » et si ce contre-don n’a pas lieu, cela peut créer de tensions vives et il y a rupture d’un lien social. Le don a donc tout intérêt à être car il il présente un intérêt pour le donateur qui sait que son don va lui être non seulement rendu, mais de plus il maintient des liens sociaux intéressants et pacifiques en donnant. Mais cette forme de don n’est pas présente uniquement dans les sociétés archaïques. Ainsi, encore aujourd’hui, un don crée une obligation pour chacun des participants, l’obligation de recevoir mais aussi de rendre. Il est difficile d’accepter un cadeau d’un ami sans se sentir obligé à l’avenir de lui rendre la pareille. On peut remarquer comme petite anecdote qu’en portugais « merci » se dit «  obrigadio » ce qui signifie « votre obligé ». Ce la veut dire « je vus suis redevable » , j’ai une dette envers vous ». Tout don crée donc une dette qui institue moralement un échange, donc une promesse de retour d’un service rendu. Mais cette dette instaure une relation privilégiée entre le donateur et le receveur, elle est donc bénéfique, c’est une dette positive.

  1. Conséquences du don

La conséquence du don est donc une relation durable entre deux personnes, nourrie par des dons et des contres dons. L ’intérêt qu’y trouve chaque personne engagée dans cette relation est donc la satisfaction de donner et de faire plaisir à l’autre mais aussi la certitude que ce lien privilégié dure car il ancré dans le mécanisme « donner, recevoir, rendre »jusqu’à ce que le temps ou une maladresse casse cette relation. Ce qui peut casser le cercle peut être un don trop conséquent qui « écrase » une personne qui peut être en incapacité de le rendre et se sentir rabaissée mais aussi un refus de recevoir ou un non-rendu. Marcel Mauss expose aussi l’idée selon laquelle un individu peut trouver son intérêt dans une relation d’obligation dans le sens où il se satisfait d’avoir donné plus que l’autre. Cet intérêt qui conforte l’orgueil de l’individu, le fait se sentir « supérieur » car il rend « plus ». cependant, cela casse la relation de confiance entre les deux protagonistes de la relation car le receveur se sent humilié car le don est inégal, le cercle cesse.

  1. La conception du don dans les sociétés modernes.

  1. La philanthropie

Dans nos sociétés modernes, le don est aussi apparu sous une nouvelle forme: la philanthropie ou le don d’argent anonyme à des personnes dans le besoin. On peut penser que cette forme de don annule la loi « donner, recevoir, rendre » et le lien chargé d’obligation et de reconnaissance entre le receveur et le donateur. En effet, si ces deux individus ne se connaissent pas, si leur rapport n’est pas direct, le receveur peut se sentir moins redevable envers son bienfaiteur. Le rôle des ONG est de placer un intermédiaire entre le donateur et le receveur, et donc de rendre anonyme les deux actions. Mais ce don, en apparence dépourvu de toute recherche de profit car non-rendu par le receveur peut quand même donner un intérêt au donateur qui, par son action « noble », se donne bonne conscience. On retrouve alors ici la logique de l’échange, même involontaire, car le donateur donne mais reçoit en échange une « noblesse », un statut de « généreux »qui fait son intérêt personnel, même si ce n’était pas le but recherché en premier lieu par ce don, car on donne pour donner.

Le donateur trouve dans cette forme de don plus un aspect moral et le receveur un aspect matériel. Le cycle du don est respecté pour le donateur qui donne de l’argent et reçoit une satisfaction morale. Cependant le receveur reçoit mais ne peut pas rendre la pareille au donateur. Il peut donc y avoir un déséquilibre du don donc le receveur peut se sentir humilié. Les ONG minimisent cette impression de redevabilité et de culpabilité que peut ressentir le receveur du don.

On peut rattacher à la philanthropie l’aumône, acte religieux par lequel le croyant donne de l’argent pour les pauvres sous la protection de l’Église. Ce don n’est pas sans intérêt mais ici l’intérêt n’est pas sous forme de bonne conscience, mais sous forme d’attente, car par son geste le croyant espère se donner de meilleures chances d’aller au paradis après la mort. Par exemple, les gens ayant pêché, se sentant redevables, font plus facilement l’aumône dans l’espoir de combler leur dette.

On peut aussi se racheter par rapport à la société en donnant, même si on ne « rembourse » pas celui qui nous a donné. On peut citer l’exemple du personnage Jean Valjean dans l’ouvrage « Les Misérables » de Victor Hugo. Lorsque Jean Valjean est devenu Mr. Madeleine et qu’il est riche, il aide les pauvres, car il se rappelle comment son bienfaiteurs, monseigneur Bienvenu, l’a aidé lorsqu’il en avait besoin en lui faisant don de son argenterie. Le don est donc un cycle et part toujours d’une motivation, d’une sensation de devoir quelque chose aux autres.

  1. Le don d’organes et de sang

Le don de sang et d’organes est aussi un don de l’anonymat. Il peut être vu comme totalement dépourvu d’intérêt, de profit pour le donateur, car dans le cas du don d’organes, l’individu donnera souvent une fois décédé. Mais on constate que les personnes bénéficiant d’un don d’organe ressentent là encore une certaine gène de recevoir sans pouvoir rendre la pareille à leur bienfaiteur.

D ’autre part, le donateur peut donner par anticipation. En effet il aimerait lui aussi recevoir du sang ou des organes si il lui arrivait quelque chose. On voit donc ici encore la logique de l’échange apparaître: je donne pour les autres parce que j’attends qu’ils fassent la même chose pour moi si j’étais dans le besoin. Il n’y a donc pas de désintéressement pur, mais c’est peut être cela qui fait l’humanité d’un don. On donne car on se met à la place des receveurs.

  1. L’Amour comme don.

    On entend quelques fois que l’Amour est un don de soi. Est on là encore dans la logique de l’échange ou bien dans celle de la générosité pure, qui n’attend rien en retour?, Beaucoup de philosophes, tels Leibniz dans « Nouveaux essais » ou Descartes dans « Passion de l’âme » opposent l’amour de complaisance et l’amour de bienveillance. Nous allons donc nous intéresser à ces deux notions pour savoir si elles voient le don en amour de la même manière.

  1. « L’amour de complaisance »

L’amour de complaisance, est , pour Leibniz, « le désir ou le sentiment qu’on a pour ce qui nous donne du plaisir, sans que nous nous intéressions de savoir s’il en reçoit »

On est donc là dans la logique pure de l’intérêt, on donne juste dans l’optique de recevoir du plaisir par l’amour que l’autre nous porte, mais non au plaisir qu’on lui apporte. Le don, l’amour n’est pas motivé par le but de rendre l’autre heureux mais bien par le but égoïste d’être aimé. On aime pour être aimé et non pas pour rendre l’autre heureux, pour que lui soit aimé. L’intérêt et donc dans le retour et non dans le don lui-même.

  1. « L’amour de bienfaisance »

L’amour de bienveillance est décrit par Leibniz comme «  le sentiment qu’on a pour celui qui par son plaisir ou bonheur nous en donne ». Pour Descartes il incite à « vouloir du bien à ce que l’on aime ». C’est donc dans le don lui-même que se trouve la finalité du don. On pense être redevable alors que c’est nous qui donnons. Dans cette relation, on pense toujours recevoir plus que ce que l’on donne, et si ce sentiment est réciproque, la relation amoureuse se fortifie.

  1. La dévotion

La dévotion est la soumission volontaire de soi à un être considéré comme plus grand, plus noble, plus important. On donne alors sans intérêt pour soi, juste pour servir l’intérêt de l’autre. On donne donc sans intérêt personnel car le but n’est pas de recevoir du plaisir , mais de s’effacer totalement devant le plaisir que l’on apporte à l’autre. Cette relation n’est pas gratifiante parce que l’individu se retrouve écrasé par son don, on peut donc considérer que le don totalement désintéressé n’est en fait pas à rechercher car il rabaisse le donateur par rapport au destinataire du don.

  1. Le don de Dieu

Dieu donne la vie mais il n’a pas d’intérêt personnel. Il crée, il donne pour que les hommes fassent le bien sur la Terre, il n’attend rien en retour, seulement que eux se donnent entre eux et perpétuent le don en donnant aux autre hommes. Donc Dieu est capable de générosité pure mais ce n’est pas un homme. Le propre de l’Homme serait donc de ne pas être capable de générosité pure, celle-ci étant de l’ordre du divin.

Conclusion:

On a vu que le don, dans plusieurs de ses formes, dont le don de présents entre deux individus, la philanthropie ou le don d’organes et de sang, et même dans le cadre de l’Amour, présente toujours un intérêt pour le donateur. Mais justement, si cet intérêt est bénéfique pour les deux protagonistes de la relation du don, cela renforce sa valeur et la relation de confiance et de redevabilité entre les deux personnes. Mais en revanche, si une des deux personnes trouve plus de profit que l’autre dans le don, que ce soit le donateur ou le receveur, la relation s’en trouve déséquilibrée et le don ^perd son rôle de renforcement du lien social. L’un des deux individus devient alors « écrasé » par le don, soit dans le cas où il ne peut pas rendre ce qu’on lui donne et qu’il s’en retrouve humilié, soit il donne trop sans recevoir, comme dans le cas de la dévotion, et alors il est écrasé par l’autre et comme cette relation du don à sens unique n’est pas gratifiante et constructive pour lui, le don totalement désintéressé n’est pas si positif. La valeur du don réside dans le bénéfice qu’il apporte à chaque personne. La générosité n’est donc pas pure si elle est humaine ( il n’y a que Dieu qui donne avec désintérêt). L’intérêt du don est ce qui lui confère son humanité.

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